Pourrait-on créer une obligation de rendre les données de la Direction de la Météorologie Nationale sur la météo et les précipitations disponibles aux citoyens/agriculteurs et d’informer ceux-ci de manière proactive ? Sur base de votre examen de la législation en vigueur, pourriez-vous identifier dans quelle(s) loi(s) et/ou réglementations pourrait-on envisager d’insérer une telle obligation ?
Question 1 :
L’obligation de rendre disponible les informations relatives aux changements climatiques auprès des citoyens et précisément des agriculteurs devrait-elle figurer dans les lois environnementales au Cameroun ?
Réponse :
Les changements climatiques sont une menace pour la sécurité alimentaire des pays en développement et notamment au Cameroun, à travers leur impact sur les ressources en eau, la biodiversité, l’écosystème (surtout des sols), et la variabilité des pluies. Les impacts des changements climatiques sur l’agriculture (surtout familiale) sont multiples. En cas de sécheresse par exemple, la production est réduite du fait de l’insuffisance de l’eau pour irriguer naturellement les plantes. Partant, il est important de sélectionner les espèces qui nécessitent moins d’eau, et de procéder au reboisement par des bio-fertilisants. En cas d’excès de pluies ou d’inondations, les récoltes sont aussi affectées et les bas fonds qui permettent des cultures de contre-saison deviennent inexploitables. Par conséquent, les populations migrent massivement à la recherche de meilleures terres de culture.
Pour que toutes ces méthodes techniques soient appliquées, il faut au préalable que les populations et particulièrement les agriculteurs soient informés, afin par la suite de mettre en mouvement les principes anticipatifs et réparateurs concernés.
Les communautés rurales et agricoles qui subissent l’impact des changements climatiques, n’ont pas de tribune pour porter leurs voix. C’est le cas des « Mbororo » du Nord Cameroun, une ethnie minoritaire (environ 50 000 personnes), qui se trouvent dans une situation de dénuement et d’isolement aujourd’hui, se traduisant par la non-prise en compte de ce groupe dans les décisions locales ou nationales. Et pour que cette reconnaissance se fasse, il faut asseoir l’inévitable processus de sédentarisation amorcé de ce peuple, avec tout ce que cela implique, ainsi ils formeront un bloc organisé et visible, dont la voix porte loin. Actuellement, avec l’ouverture sur le monde extérieur, l’environnement des « Mbororo » a changé, permettant à ce peuple de bénéficier de quelques actions de développement. Cependant, ces actions sont menées de manière sporadique, de ce fait leurs effets sur la vie quotidienne et le cadre d’existence des « Mbororo » restent moins perceptibles.
Partant, l’obligation de rendre disponible les informations relatives aux changements climatiques dans les lois environnementales au Cameroun auprès des agriculteurs serait une opportunité indéniable quant à une pratique efficace de l’agriculture au Cameroun.
Quelques impacts des changements climatiques sur l’agriculture au Cameroun:
Le changement climatique est réel et il se manifeste partout au Cameroun sous diverses formes.
- Les petits producteurs dépendants de l’agriculture pluviale sont très vulnérables à la variabilité et au changement climatique
- Des périodes sèches plus longues
- Augmentation de la désertification dans la parie Sahélienne et dans d’autres régions.
- Moins d’eau disponible due à l’assèchement des rivières et une diminution des niveaux d’eau dans les forages
- Augmentation des inondations
- L’imprévisibilité de la météo et changement dans les saisons
- Faible rendement agricole et incapacité à produire de façon optimale, même lorsque toutes les méthodes culturales ont été appliquées
- Taux plus élevé de la déforestation
- Migration à la recherche d’emplois et engagement ou dans d’autres activités non agricoles pour nourrir les familles parce que l’environnement n’est plus adapté
- Plus de réfugiés climatiques sont prévus
Question 2 :
Quel est le cadre juridique du développement agricole au Cameroun ?
Réponse :
Cadre juridique du droit agricole au Cameroun
- Loi n° 96/12 du 5 aout 1996 portant Loi-cadre relative à la gestion de l’environnement
C’est la loi camerounaise à protection générale de l’environnement. Cette loi a ceci de particulier qu’elle consacre un droit à l’information des citoyens camerounais relativement à la gestion de l’environnement. Elle a aussi le mérite de reprendre les principes de protection de l’environnement. En outre, elle institue un fonds national de l’environnement et du développement durable.
Sur le plan de la responsabilité pour préjudice à l’environnement, cette loi présente une série de sanctions en fonction des infractions propres au droit de l’environnement. C’est dire que cette loi prévoit des sanctions pénales et renvoie également pour certaines infractions au code pénal.
- Décret n°2011/2584 du 23 août 2011, fixant les modalités de protection des sols et des sous-sols
Cette protection comprend la protection contre l’érosion, la désertification, la perte des terres arables, la pollution du sol et de ses ressources par les produits chimiques ; les engrais et les pesticides. Elle se veut protectrice du sol et du sous-sol par le truchement du contrôle de l’utilisation des engrais dans les productions agricoles. Elle impose une étude d’impact environnemental pour les fabricants d’engrais et de pesticides. Cependant, ce texte juridique est silencieux quant aux sanctions.
Elle dresse également une liste de fongicides interdits sur le territoire camerounais. Le paradoxe de cette interdiction réside dans le fait que ces mêmes produits sont soumis à autorisation.
- Décret n°97/130/PM du 23 mars 1997 portant réglementation du conditionnement et de la commercialisation des fèves de cacao
- Décret n°97/131/PM du 23 mars 1997 réglementant le conditionnement et la commercialisation des cafés verts
- Loi n° 95/11 du 27 juillet 1991 portant organisation du commerce du cacao et du café
- Loi n° 2001/014 du 23 Juillet 2001 relative à l’activité semencière
Cadre légal des Organisations de Producteurs (OP)
Depuis le lancement de la nouvelle politique agricole en 1990, le soutien à l’émergence des OP apparaît comme un axe majeur de stratégie de développement de l’agriculture du Cameroun. Tous les acteurs sont unanimes sur le rôle déterminant que l’Etat a joué et continue de jouer dans l’appui à la professionnalisation à travers les Ministères en charge et des projets de développement. Un des résultats concrets de cette volonté politique est le foisonnement des organisations de producteurs dans tous secteurs et à tous les échelons de l’organisation du territoire. En 2005, environ 65 000 OP (Coopératives et Groupes d’Initiative Commune/GIC) étaient inscrits au service du registre COOP-GIC du MINADER, ce nombre serait de loin plus important si l’on considère celles qui se sont créées sous la forme d’association, de syndicat professionnel ou de GIE. Le Cameroun dispose d’un cadre réglementaire assez souple et simplifié pour faciliter la constitution et la légalisation des organisations de producteurs. Le cadre réglementaire est ainsi clarifié à travers quatre textes de loi qui précisent les formes juridiques que peuvent adopter les OP pour se légaliser :
- La loi 90/053 du 19/12/1990 relative à la liberté d’association ;
- La loi 92/006 du 14/08/1992 relative aux sociétés coopératives et les Groupes d’Initiative Commune (COOP-GIC) ;
- La loi n° 93/015 du 22/12/93 sur le Groupement d’Intérêt Economique (GIE) ; et la
- Loi n° 92/007 du 14/08/99 portant code de travail et des syndicats professionnels.
Selon la forme juridique choisie, la légalisation des OP dépend de trois administrations :
- Du service du registre au Ministère de l’Agriculture et du développement Rural (MINADER) pour les sociétés coopératives et les Groupes d’Initiative Commune (GIC) ;
- De la Préfecture (services déconcentrés du Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (MINATD) pour les associations ;
- Du Greffe du Tribunal (Ministère de la Justice) pour les GIE et les syndicats.
Dans la structuration des organisations de producteurs, il apparaît trois grandes catégories :
- Les coopératives et les groupes d’initiatives communes et leurs unions ;
- Les fédérations et les confédérations ; et
- Les interprofessions.
Selon la réforme de 1992, les coopératives et les groupes d’initiatives communes sont des organisations de base. La loi autorise leur regroupement en unions à l’échelle d’un territoire et autour des activités économiques dont le champ d’action reste très large dans le secteur rural. L’apparition des COOP-GIC est une nouvelle donne qui a profondément bouleversé la structuration des acteurs ruraux ces dernières années au Cameroun.
Question 3 :
Dans quelles lois et/ou réglementations pourrait-on envisager d’insérer une obligation de rendre les données de la Direction de la Météorologie Nationale sur la météo et les précipitations disponible aux citoyens/agriculteurs et d’informer ceux-ci de manière proactive ?
Réponse :
Constat et position du problème
Au Cameroun, le climat est un facteur explicatif important de la production agricole. Ainsi, une pluviométrie peu abondante peut entraver le développement des plantes limitant de ce fait la productivité. Depuis les années 1990, on assiste à une instabilité de cette pluviométrie entrainant une désorganisation du calendrier agricole et une baisse de la productivité. Ces changements climatiques sont fortement ressentis dans la zone sahélienne où on assiste depuis des années à une baisse importante des précipitations et au dessèchement des cours d’eau. C’est le cas par exemple du lac Tchad dont le desséchement progressif pousse les populations à migrer. Ces migrations non planifiées sont à l’origine des tensions et des conflits entre éleveurs et agriculteurs.
Il faut noter que dans les régions de l’Extrême-Nord et du Nord, les ménages cultivent principalement le haricot/niébé et le mil/sorgho et le riz. Selon Félicien FOMEKONG et Gislaine NGONO de l’Institut National de la Statistique du Cameroun, entre 1994 et 1998, dans les deux régions, on a assisté à une fluctuation importante de la production du sorgho. Durant la même période, la pluviométrie a également connu des fluctuations importantes laissant penser à une corrélation étroite entre les deux variables. Cette instabilité de la production céréalière pourrait à terme aggraver l’insécurité alimentaire déjà perceptible dans ces deux régions, surtout dans un contexte de croissance démographique encore non maitrisée et évoluant plus rapidement que la production agricole.
Dans les zones des montagnes de l’Ouest, on assiste à la sécheresse des eaux de surface. Ce phénomène impacte probablement sur la production agricole. Dans la zone du littoral, la montée des eaux avec les inondations représentent une menace sérieuse pour la production céréalière.
Propositions de solutions du problème
Les propositions de solutions permettant l’insertion d’une obligation dans les lois existantes afin de rendre les données de la Direction de la Météorologie Nationale sur la météo et les précipitations disponibles aux citoyens/agriculteurs et d’informer ceux-ci de manière proactive, ne sont pas aisées à formuler, à cause de la spécialisation des différentes lois concernant l’agriculture ou les agriculteurs. Cependant, à défaut de créer une nouvelle loi qui sera une fois de plus spéciale parce qu’elle va porter sur le lien entre les données météorologiques des précipitations et la pratique de l’agriculture, il existe un texte intéressant qui pourrait aider à trouver une solution: il s’agit du Décret n° 2005/118 du 15 avril 2005 portant organisation du Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural. Ce texte juridique, à la différence des autres, a l’avantage d’être général, et surtout il décline les missions et les différentes zones de compétence du Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural.
Partant, il y existe plusieurs possibilités d’insérer une disposition sur l’obligation de rendre les données de la Direction de la Météorologie Nationale sur la météo et les précipitations disponibles aux citoyens au sein des missions des directions, des sous-directions, des services et voir même des cellules du Ministère. C’est le cas par exemple des missions de la Sous-Direction de l’Hydraulique Agricole, à partir des articles 71 à 74, où l’on retrouve des services tels :
- Le service des irrigations et du drainage
- Le service de la gestion et de maintenance des aménagements hydro-agricoles
- Le service des études et de l’expérimentation.
Ensuite, à partir des articles 81 à 85, se déclinent les missions de la Sous-Direction du Développement Communautaire, qui s’effectuent dans le cadre des services très intéressants tels :
- Le service de l’animation et de l’auto-promotion
- Le service d’appui aux initiatives locales
- Le service de promotion des actions féminines
- La cellule de coordination des programmes de développement participatif
On peut aussi ajouter l’article 87 concernant la Direction des Etudes, des Programmes et de la Coopération. En effet, dans le cadre de la coopération entre les organes scientifiques et opérationnels des différents ministères, il est bien possible que le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural puisse travailler et se partager les informations avec le Ministère des Transports. Les services météorologiques au Cameroun sont gérés par le Ministère des Transports qui a une Direction de la Météorologie Nationale.
Enfin, la section 3 de ce texte juridique portant sur la Cellule des informations et de l’Alerte Rapide, est la plus importante, car elle permet de mieux intégrer l’obligation de la disponibilité des données météorologiques pour les agriculteurs de manière proactive.
En effet, l’article 101 de cette section dispose que :
« (1) Placée sous l’autorité d’un Chef de Cellule, la Cellule des Informations et de l’Alerte Rapide est chargée:
– de l’exécution des activités du système national d’alerte rapide dans le cadre de la sécurité alimentaire;
– du suivi des cultures et des prévisions des récoltes et des disponibilités alimentaires;
– de la mise en œuvre d’un système de suivi et d’information sur les marchés des produits agricoles et alimentaires;
– de l’identification et du suivi des groupes et zones à risque d’insécurité alimentaire.
(2) Elle comprend, outre le Chef de Cellule, trois (03) Chargés d’Etudes Assistants ».
Cette disposition est une réelle opportunité d’une proposition de révision concernant l’ajout d’une obligation qu’aura la Cellule des Informations et de l’Alerte Rapide, de rendre les données de la Direction de la Météorologie Nationale sur la météo et les précipitations disponible aux citoyens/agriculteurs et d’informer ceux-ci de manière proactive.