Forme juridique de l’accord 2015

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Date produced: 11/06/2015

Pouvez-vous fournir une analyse concise concernant la forme juridique que pourrait revêtir l’accord 2015 de Paris ?


Conseil :

Le Groupe de travail spécial de la plate-forme de Durban pour une action renforcée (Ad Hoc Working Group on the Durban Platform for Enhanced Action, ADP) a été créé au terme de la 17e Conférence des Parties (COP17) de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC), qui a eu lieu dans la ville de Durban, en 2011, en ayant pour mandat de : «… élaborer au titre de la Convention un protocole, un autre instrument juridique ou un texte convenu d’un commun accord ayant valeur juridique, applicable à toutes les Parties… ». Ces trois options (protocole, instrument juridique et texte ayant valeur juridique) sont ambiguës et laissent une marge d’interprétation.

Elles découlent de négociations difficiles et d’un compromis de dernière minute obtenu lors de la réunion de Durban. L’Inde, par exemple, a refusé d’accepter la demande de l’Union européenne (UE) d’inclure la référence à un « instrument juridique contraignant ». Aussi le texte fait-il uniquement référence à un « instrument juridique » (sans mentionner « contraignant ») et l’option d’« un texte convenu d’un commun accord ayant valeur juridique » a été incluse.

À ce jour, les Parties qui négocient en vertu de l’ADP débattent de la substance, plutôt que de la forme de l’accord 2015. Un aperçu des divers scénarios formels envisageables est présenté ci-dessous. Cet aperçu analyse d’abord de manière explicite les options mentionnées dans la décision de Durban, avant de traiter d’autres scénarios envisageables.

a) « Protocole »

L’accord 2015 pourrait revêtir la forme d’un protocole, en vertu de l’article 17 de la CCNUCC. Un tel protocole constituerait un nouveau traité international formellement contraignant pour toutes les Parties qui le ratifieraient, conformément aux règles générales du droit international. Le processus de ratification au niveau des pays implique généralement que le traité soit approuvé par les parlements nationaux. Les exigences relatives à la mise en vigueur d’un protocole (p. ex., nombre de ratifications, indication d’un certain pourcentage d’émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale) seraient définies dans la langue du protocole lui-même.

Pour être adopté, le secrétariat doit communiquer le texte d’un protocole proposé aux Parties six mois avant la tenue de la session pertinente (au cours de laquelle il doit être adopté). Aux fins de se conformer à cette exigence formelle, le texte de Genève a été distribué dans les six langues utilisées par les Nations Unies, sans préjudice du texte définitif adopté éventuellement à Paris, conformément à la Note verbale en date du 19 mars 2015.

La question de savoir si le texte de Genève dans sa forme actuelle peut vraiment être considéré comme étant le « texte de tout protocole proposé », dans le sens de l’article 17, paragraphe 2, est susceptible d’être contestable. Cependant, dans le cadre de la pratique de la CCNUCC (et de celle d’autres processus de convention internationale), il n’est pas inhabituel de distribuer une version préliminaire d’un texte (comprenant des questions ouvertes, diverses options, des parenthèses, etc.), qui subit ensuite des modifications importantes avant d’être adopté.

À cet égard, les Parties sont susceptibles de soulever des préoccupations procédurales au cours de la dernière étape des négociations de Paris (peut-être pour entraver la conclusion des négociations). Mais s’il existe un consensus politique et que les Parties adoptent un nouveau traité international, les erreurs procédurales antérieures seraient remédiées (en raison de l’accord sur la substance).

Bien que la CCNUCC (article 17) envisage l’adoption de protocoles pour procéder à la mise en œuvre de la Convention, les Parties sont libres d’utiliser un autre nom pour désigner un nouveau traité international sur le climat (p. ex., pacte, accord de mise en œuvre, mémorandum d’entente ou, tout simplement, accord). Elles pourraient le faire sur la base du concept de souveraineté des États, de la doctrine des pouvoirs d’action implicites, ou du mandat général de la COP selon l’article 7 de la CCNUCC.

b) « Instrument juridique »

Alors que la signification du terme « protocole » dans le cadre de la décision de la COP de Durban soit claire, le terme « instrument juridique » peut entraîner au moins deux interprétations conflictuelles. Le fait qu’« un autre instrument juridique » soit écrit à côté de « protocole » pourrait suggérer qu’il fait référence à un autre traité international de nature équivalente (p. ex., un protocole, une convention, une charte, etc.). Cette interprétation renforce davantage l’argument (voir ci-dessus) selon lequel les Parties peuvent donner n’importe quel titre à l’accord.

Une autre interprétation est qu’« un autre instrument juridique » fait référence à des amendements à la Convention ou à ses annexes, y compris l’adoption de nouvelles annexes, en vertu des articles 15 et 16 de la CCNUCC. De tels amendements seraient juridiquement de nature contraignante, et pourraient modifier n’importe quel aspect de la CCNUCC, y compris les dispositions qui définissent son champ d’application, son objectif et ses principes. C’est pourquoi un certain nombre de Parties ont argumenté qu’« au titre de la Convention » qui figure dans la décision de la COP de Durban, signifie « au titre de la Convention actuelle » et ne prévoit pas que ses principales dispositions soient modifiées.

Cependant, conformément à l’article 15, paragraphe 2 de la CCNUCC, le texte de tout amendement doit également être communiqué aux Parties six mois au moins avant la réunion à laquelle il est proposé pour adoption. À ce jour, les Parties n’ont proposé aucune option d’amendement. Cela semble indiquer que, tout au moins pour l’instant, cette option n’est pas recherchée.

c) « Texte convenu d’un commun accord ayant valeur juridique »

La partie la plus incertaine et la plus discutable de la décision de la COP de Durban concerne la dernière option de « texte convenu d’un commun accord ayant valeur juridique ». Cette alternative semble être conçue de manière à laisser de la place à un texte qui ne revête pas la forme des instruments juridiques prévus de manière explicite dans la Convention (p. ex., protocole, amendement ou annexe), mais s’inscrit « au titre de la Convention ». La description qui indique « ayant valeur juridique » fait penser à quelque chose de moins rigoureux que le terme « juridiquement contraignant » (en vertu du droit international).

Dans un document soumis en 2012, l’Inde a fait savoir que, tandis qu’un protocole ou autre instrument juridique est un texte juridiquement contraignant, un « texte convenu d’un commun accord ayant valeur juridique » peut être un document dont la validité juridique découle du droit national d’un pays. Par conséquent, les engagements volontaires à l’égard de l’atténuation, par exemple, pourraient répondre à cette exigence s’ils figuraient également dans la législation contraignante au niveau national.

Cependant, si la décision était vraiment destinée à prévoir un accord dont la nature juridique soit entièrement dissociée du niveau international, ses rédacteurs auraient inséré une virgule entre « valeur juridique » et « au titre de la Convention ».

d) Autres textes

Généralement, les experts juridiques et les Parties à la CCNUCC conviennent que les décisions de la COP ne sont pas juridiquement contraignantes. Bien que la décision de Durban traduise un solide engagement politique pour atteindre le résultat anticipé, elle n’est pas contraignante pour les Parties. Cela permet au texte de la décision d’avoir une vaste marge d’interprétation, et l’accord 2015 pourrait revêtir une autre forme juridique, ou consister en une combinaison de textes formels différents.

(1) Déclarations unilatérales contraignantes

La Cour internationale de Justice a confirmé que les États peuvent prendre un engagement juridique formel par le biais d’une déclaration unilatérale. Ladite déclaration devient un engagement juridique si elle est faite publiquement et exprime la volonté de respecter son caractère contraignant. Si ces critères sont satisfaits, le caractère contraignant de ladite déclaration est basé sur la bonne foi. Les États concernés peuvent alors la prendre en compte et s’en prévaloir.

On pourrait également argumenter que les déclarations unilatérales contraignantes représentent un « texte convenu d’un commun accord ayant valeur juridique » au sens de la décision de Durban. Dans le contexte des négociations relatives au climat, il serait possible pour les Parties de prendre des engagements individuels explicites, exempts d’équivoque, en ce qui concerne, par exemple, l’atténuation ou les aspects financiers. À l’heure actuelle, cela semble plutôt improbable.

(2) Décisions de la COP

La COP peut prendre des décisions pour promouvoir la bonne mise en œuvre de la Convention. Bien qu’elles utilisent souvent un langage contraignant, lesdites décisions ne sont généralement pas considérées comme étant juridiquement contraignantes pour les Parties à l’UNFCCC. Contrairement à d’autres accords environnementaux multilatéraux, la CCNUCC ne délègue pas le pouvoir de prendre des décisions contraignantes à la COP.

En conséquence, si l’accord de Paris comprenait uniquement des décisions de la COP, cela ne répondrait probablement pas au critère de « valeur juridique » qui figure dans la décision de Durban. Cependant, il est probable que lesdites décisions feront partie des engagements de Paris et traiteront des questions qui ne sont pas couvertes dans l’accord, et/ou se concentreront sur la mise en œuvre et autre travail concernant un certain nombre de domaines traités dans le nouvel accord (voir ci-dessous à propos du texte mixte).

Lors des entretiens qui ont eu lieu en vue de la COP15 de Copenhague en 2009, la question de savoir si une décision de la COP sur des cibles en matière d’atténuation pouvait être considérée comme étant « juridiquement contraignante » par les Parties a été prise en compte. Un tel résultat serait inhabituel mais pourrait entraîner une plus forte pression internationale et nationale pour assurer la conformité au niveau domestique. Cependant, d’un point de vue juridique, cela demeure un auto-engagement politique supplémentaire, et ne modifie pas le caractère juridique des décisions de la COP.

(3) Accord politique

Lors de la COP15 de Copenhague, mais en dehors des négociations de la CCNUCC formelles, un nombre limité de gouvernements ont rédigé l’Accord de Copenhague. Ses dispositions n’ont sans doute pas de valeur juridique en vertu du processus de la CCNUCC. Mais, ultérieurement, de nombreux pays se sont associés à l’Accord (et ont soumis des cibles ou des prises de mesures au secrétariat). D’autres pays ont exprimé de manière explicite leur désaccord (p. ex., Bolivie, Koweït et les Tuvalu).

Les instruments (juridiques) internationaux non contraignants (tels que la Déclaration universelle des droits de l’homme ou la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de 1992) peuvent avoir des effets importants au fil du temps. Les objectifs et les engagements ont certes tendance à avoir une grande envergure et à être définis de manière vague. Par définition, il n’existe pas de mécanisme de conformité formel et la manière de poursuivre les objectifs est généralement laissée à la discrétion des États participants.

À l’heure actuelle, l’engagement des Parties à la CCNUCC visant à élaborer un nouvel instrument formellement contraignant semble être plus prononcé que lors des entretiens précédant la COP de Copenhague. Il n’en reste pas moins qu’un simple accord politique, une déclaration conjointe ou autre texte non contraignant peut (en fonction de la dynamique des négociations de Paris) être un dernier recours pour certaines Parties. Elles peuvent également le considérer comme étant un véhicule approprié pour traiter des questions qui ne sont pas couvertes dans l’accord fondamental. Bien que cela puisse indiquer un certain niveau de bonne volonté, l’immense incertitude liée aux effets de simples engagements politiques subsisterait.

e) Texte mixte

Il est difficile de prévoir à quel moment au cours des négociations les Parties décideront de la forme juridique de l’accord 2015. Elles sont susceptibles d’attendre jusqu’aux derniers jours de la conférence de Paris ou être naturellement portées vers un nouveau traité international dans le cadre du processus de rationalisation du texte de Genève. À cet égard, l’orientation fournie par les coprésidents, mais également par les réunions ministérielles ou d’autres développements en dehors du processus CCNUCC (sommet du G7 et réunions bilatérales), sera importante.

Il semble cependant se dessiner une tendance en faveur d’un accord qui comprenne diverses formes juridiques. Plus particulièrement, cela pourrait être un accord fondamental formellement contraignant (éventuellement le « Protocole de Paris »), accompagné de décisions de la COP. La COP de la CCNUCC a adopté une approche similaire en ce qui concerne l’adoption du Protocole de Kyoto. Elle a adopté le Protocole et, dans le même temps, a pris deux décisions COP : la décision 1/CP.3 liée aux travaux préparatoires en vue de la mise en œuvre du Protocole et la décision 2/CP.3 traitant des questions méthodologiques que les Parties doivent prendre en compte.

Si un tel ensemble mixte de textes formels est convenu à Paris, reste à savoir ce qui sera inclus dans l’accord fondamental et ce qui sera exclus dudit accord. Choisir la bonne combinaison d’instruments pourrait être la clé pour établir un accord sur le changement climatique qui soit efficace et durable. Sur ce point, la décision de Durban fournit quelques lignes directrices générales mais ne limite pas les Parties.